Installation vidéo HD, 2012, 8″26.
« Oui mais à la différence d’alors, je crois sérieusement et non par jeu, à la force des lieux. Je crois aux lieux, non pas aux grands, mais aux petits, inconnus, à l’étranger aussi bien qu’ici. Je crois en ces lieux qui ne sonnent pas et n’ont pas de noms, désignés peut-être par le seul fait qu’il n’y a rien pendant que partout autour il y a quelque chose. Je crois à la force de ces lieux parce qu’il ne s’y passe plus rien et rien encore. Je crois aux oasis du vide, non pas à l’écart, mais ici au milieu de la plénitude. Je suis sûr que ces lieux même, si on ne s’y rend pas vraiment, redeviennent sans cesse fertile par la seule résolution de se mettre en route et d’avoir le sens du chemin. Je n’y rajeunirai pas. Nous n’y boirons pas l’eau de jouvence. Nous n’y serons pas guéris. Nous n’y verrons pas de signes. Nous y aurons simplement été. Nous y serons allés par un bout de chemin fait de traverses pourries devant les tringles à tapis en train de rouiller en pleine nature. L’herbe, là-bas, aura tremblé comme ne tremble que l’herbe, le vent y aurai soufflé comme ne souffle que le vent, les fourmis auront passé dans le sable comme des fourmis en cortège, les gouttes de pluie dans la poussière auront pris la forme incomparable de gouttes de pluies dans la poussière. Nous aurons tout simplement vu en ce lieu les choses se transformer- en ce qu’elles sont, sur les fondations du vide, En chemin, rien qu’à le regarder, un brin d’herbe rigide se sera mis à osciller et à l’inverse devant un arbre, l’intérieur de nous même aura pris pour cet instant la taille et la silhouette de l’arbre. J’ai besoin de ces lieux et je les désire. Et mon désir que veut-il ? Rien que l’apaisement. »
Peter Handke, extrait de « L’absence »